Los Mejores Temas

Le cinéaste mexicain Nicolás Pereda n’a que 30 ans, et pourtant Los Mejores Temas est déjà son sixième long métrage. Verano de Goliat et Perpetuum Mobile ont récemment fait les riches heures des festivals internationaux. Sous la douche, dans la cuisine, au lit, partout, un jeune homme s’entraîne à mémoriser, pour mieux savoir les vendre, les titres des cent plus grands succès de la chanson mexicaine : Je t’ai dans la peau, Si jamais tu me quittais, A jamais amoureux... Comme un charme et sans voir où est le problème, son père revient au domicile conjugal après 15 ans d’absence. Le rôle est interprété par un acteur, puis par un autre. Chacun à son tour, le premier père, puis le second, de même que tous les personnages, viendront prendre la pose immobile devant la caméra, sur fond de Variations Golberg. C’est assez clair : variations et reprises, différence et répétition, improvisation et mise en scène sont ici les motifs, au sens à la fois musical et cinématographique, enchaînés et déchaînés avec une manière de virtuosité sereine qui laisse pantois. Et à travers ces motifs, c’est bien sûr la rencontre du documentaire et de la fiction qu’orchestre Nicolás Pereda, une fois de plus. L’un et l’autre non pas opposés mais pareils aux deux extrémités d’un même bâton, comme aimait à le formuler le critique Serge Daney. Nicolás Pereda, qui filme ici à nouveau son acteur fétiche, Gabino Rodriguez, en parle très bien : «On reproche souvent aux documentaires d’être des fictions. Mais on peut aussi se demander si les fictions sont des documentaires. Le masque de l’acteur peut venir du dedans, pas forcément lui être étranger. Je cherche qui est la personne sur l’écran, et quand est-ce que ces personnages deviennent plus réels ».

Emmanuel Burdeau.